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La rupture conventionnelle en 2025 : panorama complet du dispositif, de son évolution et de ses enjeux

  • Photo du rédacteur: David Eyraud
    David Eyraud
  • 13 févr.
  • 5 min de lecture

Introduction

La rupture conventionnelle, instituée par la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail, demeure aujourd’hui le seul mode de rupture amiable d’un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) reconnu par le Code du travail. Seize ans plus tard, ce mécanisme s’est profondément enraciné dans la pratique sociale française : au quatrième trimestre 2024, 130 600 ruptures conventionnelles ont été homologuées, soit une progression de +3,1 % sur trois mois (dares.travail-emploi.gouv.fr). Le dispositif n’a cessé de battre des records : de 28 973 conventions homologuées au dernier trimestre 2008 à un pic de 131 369 au premier trimestre 2024 (hellowork.com). Cet article d’environ 3 000 mots propose un tour d’horizon complet : genèse, cadre juridique, étapes clés, régime indemnitaire, nouveautés 2023-2025, jurisprudence phare, statistiques et bonnes pratiques pour conclure sereinement une rupture conventionnelle.

Rupture conventionnelle du contrat de travail
Rupture conventionnelle du contrat de travail

1. Genèse et cadre légal

1.1 Un dispositif né de la flexisécurité

Adoptée à la suite d’un accord national interprofessionnel, la loi du 25 juin 2008 crée la rupture conventionnelle pour sécuriser les mobilités professionnelles et offrir aux employeurs une alternative au licenciement jugé lourd et conflictuel. Le dispositif est encadré par les articles L 1237-11 à L 1237-16 du Code du travail ; le décret n° 2008-715 du 18 juillet 2008 a fixé le formulaire Cerfa n° 14598*01, véritable fil conducteur de la procédure.


1.2 Évolution quantitative depuis 2008

Sur l’année 2023, 514 706 ruptures conventionnelles ont été enregistrées (+2,2 % par rapport à 2022) (hellowork.com). La rupture conventionnelle représente désormais entre 15 % et 20 % des fins de contrat chaque année, loin devant les licenciements économiques collectifs.


2. Les étapes de la procédure

2.1 Phase de négociation

Tout débute par une ou plusieurs entrevues. Aucun délai minimal n’est requis entre l’entretien et la signature de la convention, principe réaffirmé par la Cour de cassation (Cass. soc., 3 juillet 2013, confirmé en 2024) (unsa.org).


2.2 Signature de la convention

Elle se fait sur le formulaire Cerfa en deux exemplaires et mentionne notamment la date de rupture et l’indemnité spécifique.


2.3 Délai de rétractation

Chacune des parties dispose de 15 jours calendaires à compter du lendemain de la signature (art. L 1237-13).


2.4 Homologation par la Dreets

À l’issue du délai, l’employeur transmet le dossier. L’administration a 15 jours ouvrables ; le silence vaut acceptation ; les conventions ne sont refusées qu’exceptionnellement lorsque l’administration détecte un vice manifeste du consentement ou un non-respect du délai de rétractation.


2.5 Effets

À la date fixée, le contrat prend fin. Le salarié perçoit l’allocation de retour à l’emploi (ARE) et l’employeur sécurise la rupture.


3. Le régime indemnitaire, social et fiscal

3.1 Montant minimal

Jamais inférieur à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.


3.2 Nouveau plafond d’exonération 2025

Depuis le 1ᵉʳ janvier 2025, l’indemnité est exonérée de cotisations sociales jusqu’à 94 200 € (soit deux PASS) (hellowork.com). Au-delà, seule la fraction excédentaire est assujettie ; au-delà de 471 000 € (dix PASS) l’indemnité devient imposable dès le premier euro (service-public.fr).


3.3 Contribution patronale unique à 30 %

Depuis le 1ᵉʳ septembre 2023, l’employeur supporte une contribution de 30 % sur la part exonérée, en lieu et place du forfait social de 20 % (secc-cac.fr).


3.4 Salariés proches de la retraite

Lorsque le salarié peut liquider sa pension à taux plein dans les deux ans, l’indemnité est intégralement soumise à cotisations ; la contribution de 30 % s’applique également.


4. Statistiques, profils et motivations

Le nombre de ruptures conventionnelles suit une trajectoire ascendante quasi continue. Au T4 2024, 130 600 conventions ont été homologuées (dares.travail-emploi.gouv.fr) ; on constate une progression sensible parmi les trentenaires, tandis que les salariés de plus de 50 ans restent également nombreux à y recourir.


5. Réformes et nouveautés 2023-2025

  • Hausse de la contribution patronale.

  • Plafond d’exonération 2025 : 94 200 €.

  • Pistes à l’étude : allongement du délai d’homologation, restriction de l’accès à l’ARE pour les seniors, gel du PASS (hellowork.com).


6. Jurisprudence récente

  • Cass. soc., 19 juin 2024, n° 23-10.817 : nullité pour dol ; la convention produit alors les effets d’une démission (lawprofiler.com).

  • Cass. soc., 13 mars 2024, n° 22-16.776 : vice du consentement du salarié confirmé (legifrance.gouv.fr).

  • Cass. soc., 3 juillet 2013, rappelé en 2024 : pas de délai minimal entre entretien et signature (unsa.org).


7. Avantages et inconvénients

Pour le salarié

Pour l’employeur

Indemnité négociée, ARE, séparation pacifiée

Calendrier maîtrisé, coût budgétisé, faible contentieux

Différé Pôle emploi, contribution 30 % répercutée

Contribution 30 %, risque de nullité si vice du consentement

8. Bonnes pratiques

  1. Préparer le dossier chiffré (simulation impôt, CSG/CRDS).

  2. Anticiper le calendrier (15 j + 15 j).

  3. Soigner la traçabilité (comptes-rendus d’entretien).

  4. Vérifier les clauses sensibles (non-concurrence, mutuelle).

  5. Respecter l’égalité de traitement (éviter les discriminations).


9. Focus : la rupture conventionnelle collective (RCC)

Née de l’ordonnance n° 2017-1387, la RCC étend la logique amiable à l’échelle d’un accord collectif homologué par l’administration : nombre maximum de départs, durée, critères, mesures d’accompagnement, suivi. En pratique, la RCC permet de réduire rapidement la masse salariale sans stigmatiser les salariés, mais son recours demeure quantitativement limité : elle concerne, chaque année, quelques milliers de salariés, loin des plusieurs centaines de milliers de ruptures conventionnelles individuelles.


10. Salariés protégés

Les salariés titulaires d’un mandat représentatif ne sont pas exclus, mais la convention doit recevoir l’autorisation préalable de l’inspection du travail. En cas de nullité, ils peuvent être réintégrés avec rappel de salaires.


11. Rupture conventionnelle, licenciement, démission – comparatif

Critère

Rupture conventionnelle

Licenciement

Démission

Initiative

Conjointe

Employeur

Salarié

Indemnité

≥ légale de licenciement

≥ légale

Aucune

ARE

Oui

Oui

Sous conditions

Délai

15 j+15 j

1-2 mois

Préavis

Coût employeur

Indemnité + 30 %

Indemnité

Aucun

Risque contentieux

Faible

Élevé

Limité

12. Prospectives 2025-2027

Le gouvernement pourrait moduler la contribution (35 % au-delà de 55 ans, 25 % pour les moins de 30 ans) ou introduire un délai de carence ARE spécifique aux seniors. Au niveau européen, un débat pourrait s’ouvrir sur l’égalité de traitement des résiliations amiables.


13. Comprendre le différé d’indemnisation Pôle emploi

L’indemnité supra-légale génère un différé (plafond 150 jours) calculé : indemnité ÷ 104. Une prime supplémentaire de 20 800 € entraîne 150 jours de différé, auxquels s’ajoutent 7 jours de délai d’attente.


14. Exemple chiffré (2025)

Cadre, 4 500 € brut/mois, 12 ans d’ancienneté, indemnité négociée 30 000 € :

  1. Plancher légal ≈ 14 250 €

  2. Supra-légal : 15 750 €

  3. Contribution employeur : 9 000 €

  4. CSG/CRDS : 1 528 €

  5. Net perçu : ≈ 28 472 €Le différé ARE atteint 150 jours. La planification financière est donc essentielle.


Conclusion

La rupture conventionnelle demeure en 2025 un levier incontournable de gestion des ressources humaines. Contribution patronale à 30 %, plafond d’exonération de 94 200 €, vigilance accrue des Dreets et jurisprudence exigeante renouvellent toutefois l’équilibre entre flexibilité et sécurité. Négociée en toute transparence, elle continue d’offrir au salarié la protection d’une indemnité et de l’ARE, et à l’employeur la garantie d’une séparation pacifiée. L’enjeu de demain sera de préserver ce fragile équilibre, notamment pour les seniors, tout en garantissant l’attractivité d’un marché du travail en mutation permanente.

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